Lot n° : 124 | Estimation : 1400 - 1500€
[Bretagne]. Histoire des deux descentes des Anglais, à Cancale le 4 juin 1758, à S. Cast le 3 septembre 1758, et autres choses concernant la ville de S. Malo. sl, sn, sd [fin XVIIIe s.].
Manuscrit petit in-folio (31 x 20 cm) de (72) pp. ; broché, titre manuscrit sur la couverture avec étiquette contrecollée, en partie arrachée, contenant une annotation ancienne.
Relation de deux attaques anglaises sur les côtes françaises pendant la guerre de Sept Ans.
En 1757, le gouvernement britannique décida de lancer une série de descentes sur les côtes françaises, afin d’obliger la France à retirer une partie de ses troupes qui combattaient en Allemagne et infligeaient des défaites aux armées coalisées de Grande-Bretagne, de Prusse, du Hanovre et du Brunswick. Pour réaliser cette diversion, un premier raid eut lieu à Rochefort à l’automne 1757 ; les Britanniques prirent l’île d’Aix mais échouèrent devant la ville et durent battre en retraite.
L’année suivante, une nouvelle expédition eut lieu sur Cancale, près de Saint-Malo, entre les 4 et 21 juin 1758, puis une autre sur Saint-Cast, près de la même ville, entre les 3 et 11 septembre suivants. A chaque fois, les troupes britanniques durent rembarquer, non sans avoir avoir provoqué de nombreuses pertes humaines et matérielles.
Ces deux attaques contre Saint-Malo sont relatées dans le présent manuscrit. La descente sur Cancale se trouve aux ff. 12 à 23 : l’auteur, resté anonyme, donne des détails sur l’arrivée de la flotte anglaise et la réaction des troupes françaises, commandées par le marquis de La Chastre : « Le 4 juin 1758 qui étoit un dimanche les Anglois parurent […]. La flotte étoit composée de 115 voiles tant vaisseaux que frégates, corsaires et galiotes à bombes. L’on ne fut d’autant plus surpris que l’on imaginoit pas icy mériter les frais d’un armement aussy considérable. Monsieur le marquis de La Chastre commandant pour le Roy en Haute-Bretagne accompagné des principaux officiers de la garnison se transporta sur les murs & ses ordres furent expédiés sur le champ pour que les détachements se rendissent aux forts & que l’on y porta des vivres pour trois semaines au moins […]. Le régiment de Boulonnois seul bataillon d’infanterie que nous eussions eut ordre de se porter aux corderies… » (f. 12).
« Le lundy 5 juin [la flotte anglaise] prit la route de Cancale, seul endroit où les ennemis pouvoient tenter la descente […]. Les ennemis débarquèrent le soir environ 4 000 hommes & s’emparèrent du bourg de Cancale après avoir fait un feu prodigieux pour en chasser les troupes qu’ils craignoient y pouvoir être […]. Le mardy 6 juin, les ennemis achevèrent leur débarquement, consistant en 15 bataillons de 900 hommes chacun, 9 compagnies de dragons de 60 hommes chaque […] faisant en tout 10 340 hommes […]. Le mercredy 7 juin [ils] mirent le feu aux navires, brûlèrent la corderie de la Chaussée, plusieurs maisons & les magasins du Tallard, croyant brûler les poudres, mais on les en avoit tirées le jour d’avant. Les vaisseaux qu’ils brûlèrent pouvoient être au nombre de 80, depuis 150 tonneaux jusqu’à 300 […]. Le jeudy 8 juin […] M. le duc d’Aiguillon arriva par Dinard sur les 5 heures du matin [et] les ouvrages continuoient plus vivement que jamais […]. Les ennemis parcoururent la campagne les 8 et 9, cassant & brisant tout dans les maisons, emportant tout le linge, emmenant le bétail, forçant les filles & les femmes & portant la désolation partout où ils furent… » (ff. 13-17).
Après plusieurs tentatives infructueuses contre Saint-Malo, les Anglais apprirent l’arrivée de troupes provenant de Normandie et de Basse-Bretagne. Ils décidèrent alors de se replier et rembarquèrent le dimanche 11 juin. La flotte britannique resta toutefois au large de Saint-Malo pendant plusieurs jours avant de disparaître définitivement le 22 juin. A la fin du récit se trouvent les copies de deux lettres du duc de Marlborough, commandant en chef de
l’expédition, au maire de Saint-Malo et la réponse de ce dernier.
Trois mois plus tard eut lieu une nouvelle descente, cette fois sur Saint-Cast, relatée aux ff. 23 à 36 : « Le 3 7bre 1758 […] la flotte angloise étoit composée de 115 voiles aux ordres de l’amiral Howe & les troupes de débarquement qui pouvoient être au nombre de 10 à 12 mille hommes, aux ordres du général Bligh […]. Le lundy 4 7bre ils firent leur débarquement dans l’anse de La Fosse [de Saint-Cast], sous le corps de garde de Guérin sans aucun obstacle… »
(f. 23). Repoussés par le feu des batteries malouines, les Anglais se replièrent vers l’ouest puis se retrouvèrent encerclés par différents régiments arrivés en renfort. Un dernier combat eut lieu le 11 septembre, au moment du rembarquement des troupes britanniques : « M. d’Aiguillon, après avoir reconnu les différents débouchés qui pouvoient conduire à l’attaque des retranchements, en fit les dispositions, il porta sur la rive droite de la plage M.
de Balleroy avec les régiments de Bourbon, Brissac, Bresse, Quercy, M. d’Aubigny fut porté avec les régiments de Boulonnois, Brie, les bataillons de Fontenay-le-Comte, Marmande & le premier des volontaires étrangers ; à la gauche, M. de Brocq eut ordre de marcher avec son détachement droit au centre des ennemis […]. Les troupes franchirent avec une valeur incroyable les retranchements des ennemis, malgré le feu prodigieux de la flotte, dont
quelques bâtiments étoient assez proches pour tirer à mitrailles […]. Ils parurent former une colonne par leur centre, mais notre artillerie les fit bientôt changer de dessein & leur coula à fond trois barques chargées de soldats. Le feu cessa vers deux heures après midy & la flotte s’éloigna de la coste… » (ff. 29-30).
A l’issue du combat, les Anglais perdirent 3 000 hommes, soit 1 300 à 1 400 restés sur le champ de bataille, 800 noyés et 800 faits prisonniers par les Français. La suite du récit contient le bilan des destructions (maisons et fermes incendiées) ; à la fin se trouvent plusieurs listes d’officiers tués ou blessés à la journée de Saint-Cast du 11 septembre 1758. Les ff. 1 à 11 contiennent des notes historiques sur Saint-Malo, notamment sur la révolte de la
ville contre le duc de Bretagne, avec l’excommunication de l’évêque de Saint-Malo en 1382 et l’amende honorable faite par les malouins en 1384.
Provenance : Ex-libris manuscrit « Mr de Lehen Brignon » (XVIIIe siècle) sur la première page ; mentionné au verso du f. 16, il participa à la défense de Saint-Malo en 1758. Il pourrait s’agir de Nicolas Brignon de Lehen (1702-1763), négociant. - Signature « Brignon de Lehen » (XIXe siècle) sur la couverture.
Manque de papier au dos, couverture déchirée, coins froissés, mais bon état intérieur.
Lot n° : 124
Adjuge : 2460 €
[Bretagne]. Histoire des deux descentes des Anglais, à Cancale le 4 juin 1758, à S. Cast le 3 septembre 1758, et autres choses concernant la ville de S. Malo. sl, sn, sd [fin XVIIIe s.].
Manuscrit petit in-folio (31 x 20 cm) de (72) pp. ; broché, titre manuscrit sur la couverture avec étiquette contrecollée, en partie arrachée, contenant une annotation ancienne.
Relation de deux attaques anglaises sur les côtes françaises pendant la guerre de Sept Ans.
En 1757, le gouvernement britannique décida de lancer une série de descentes sur les côtes françaises, afin d’obliger la France à retirer une partie de ses troupes qui combattaient en Allemagne et infligeaient des défaites aux armées coalisées de Grande-Bretagne, de Prusse, du Hanovre et du Brunswick. Pour réaliser cette diversion, un premier raid eut lieu à Rochefort à l’automne 1757 ; les Britanniques prirent l’île d’Aix mais échouèrent devant la ville et durent battre en retraite.
L’année suivante, une nouvelle expédition eut lieu sur Cancale, près de Saint-Malo, entre les 4 et 21 juin 1758, puis une autre sur Saint-Cast, près de la même ville, entre les 3 et 11 septembre suivants. A chaque fois, les troupes britanniques durent rembarquer, non sans avoir avoir provoqué de nombreuses pertes humaines et matérielles.
Ces deux attaques contre Saint-Malo sont relatées dans le présent manuscrit. La descente sur Cancale se trouve aux ff. 12 à 23 : l’auteur, resté anonyme, donne des détails sur l’arrivée de la flotte anglaise et la réaction des troupes françaises, commandées par le marquis de La Chastre : « Le 4 juin 1758 qui étoit un dimanche les Anglois parurent […]. La flotte étoit composée de 115 voiles tant vaisseaux que frégates, corsaires et galiotes à bombes. L’on ne fut d’autant plus surpris que l’on imaginoit pas icy mériter les frais d’un armement aussy considérable. Monsieur le marquis de La Chastre commandant pour le Roy en Haute-Bretagne accompagné des principaux officiers de la garnison se transporta sur les murs & ses ordres furent expédiés sur le champ pour que les détachements se rendissent aux forts & que l’on y porta des vivres pour trois semaines au moins […]. Le régiment de Boulonnois seul bataillon d’infanterie que nous eussions eut ordre de se porter aux corderies… » (f. 12).
« Le lundy 5 juin [la flotte anglaise] prit la route de Cancale, seul endroit où les ennemis pouvoient tenter la descente […]. Les ennemis débarquèrent le soir environ 4 000 hommes & s’emparèrent du bourg de Cancale après avoir fait un feu prodigieux pour en chasser les troupes qu’ils craignoient y pouvoir être […]. Le mardy 6 juin, les ennemis achevèrent leur débarquement, consistant en 15 bataillons de 900 hommes chacun, 9 compagnies de dragons de 60 hommes chaque […] faisant en tout 10 340 hommes […]. Le mercredy 7 juin [ils] mirent le feu aux navires, brûlèrent la corderie de la Chaussée, plusieurs maisons & les magasins du Tallard, croyant brûler les poudres, mais on les en avoit tirées le jour d’avant. Les vaisseaux qu’ils brûlèrent pouvoient être au nombre de 80, depuis 150 tonneaux jusqu’à 300 […]. Le jeudy 8 juin […] M. le duc d’Aiguillon arriva par Dinard sur les 5 heures du matin [et] les ouvrages continuoient plus vivement que jamais […]. Les ennemis parcoururent la campagne les 8 et 9, cassant & brisant tout dans les maisons, emportant tout le linge, emmenant le bétail, forçant les filles & les femmes & portant la désolation partout où ils furent… » (ff. 13-17).
Après plusieurs tentatives infructueuses contre Saint-Malo, les Anglais apprirent l’arrivée de troupes provenant de Normandie et de Basse-Bretagne. Ils décidèrent alors de se replier et rembarquèrent le dimanche 11 juin. La flotte britannique resta toutefois au large de Saint-Malo pendant plusieurs jours avant de disparaître définitivement le 22 juin. A la fin du récit se trouvent les copies de deux lettres du duc de Marlborough, commandant en chef de
l’expédition, au maire de Saint-Malo et la réponse de ce dernier.
Trois mois plus tard eut lieu une nouvelle descente, cette fois sur Saint-Cast, relatée aux ff. 23 à 36 : « Le 3 7bre 1758 […] la flotte angloise étoit composée de 115 voiles aux ordres de l’amiral Howe & les troupes de débarquement qui pouvoient être au nombre de 10 à 12 mille hommes, aux ordres du général Bligh […]. Le lundy 4 7bre ils firent leur débarquement dans l’anse de La Fosse [de Saint-Cast], sous le corps de garde de Guérin sans aucun obstacle… »
(f. 23). Repoussés par le feu des batteries malouines, les Anglais se replièrent vers l’ouest puis se retrouvèrent encerclés par différents régiments arrivés en renfort. Un dernier combat eut lieu le 11 septembre, au moment du rembarquement des troupes britanniques : « M. d’Aiguillon, après avoir reconnu les différents débouchés qui pouvoient conduire à l’attaque des retranchements, en fit les dispositions, il porta sur la rive droite de la plage M.
de Balleroy avec les régiments de Bourbon, Brissac, Bresse, Quercy, M. d’Aubigny fut porté avec les régiments de Boulonnois, Brie, les bataillons de Fontenay-le-Comte, Marmande & le premier des volontaires étrangers ; à la gauche, M. de Brocq eut ordre de marcher avec son détachement droit au centre des ennemis […]. Les troupes franchirent avec une valeur incroyable les retranchements des ennemis, malgré le feu prodigieux de la flotte, dont
quelques bâtiments étoient assez proches pour tirer à mitrailles […]. Ils parurent former une colonne par leur centre, mais notre artillerie les fit bientôt changer de dessein & leur coula à fond trois barques chargées de soldats. Le feu cessa vers deux heures après midy & la flotte s’éloigna de la coste… » (ff. 29-30).
A l’issue du combat, les Anglais perdirent 3 000 hommes, soit 1 300 à 1 400 restés sur le champ de bataille, 800 noyés et 800 faits prisonniers par les Français. La suite du récit contient le bilan des destructions (maisons et fermes incendiées) ; à la fin se trouvent plusieurs listes d’officiers tués ou blessés à la journée de Saint-Cast du 11 septembre 1758. Les ff. 1 à 11 contiennent des notes historiques sur Saint-Malo, notamment sur la révolte de la
ville contre le duc de Bretagne, avec l’excommunication de l’évêque de Saint-Malo en 1382 et l’amende honorable faite par les malouins en 1384.
Provenance : Ex-libris manuscrit « Mr de Lehen Brignon » (XVIIIe siècle) sur la première page ; mentionné au verso du f. 16, il participa à la défense de Saint-Malo en 1758. Il pourrait s’agir de Nicolas Brignon de Lehen (1702-1763), négociant. - Signature « Brignon de Lehen » (XIXe siècle) sur la couverture.
Manque de papier au dos, couverture déchirée, coins froissés, mais bon état intérieur.